En février 2020, le premier patient au Luxembourg infecté par le coronavirus SARS - CoV - 2 a été hospitalisé au CHL. Parallèlement aux soins courants et d’urgence, les équipes médicales et soignantes, bien qu’extrêmement sollicitées par la pandémie, ont redoublé d’efforts pour développer et participer à des projets de recherche clinique nationaux et internationaux en vue de faire avancer les connaissances sur la maladie et améliorer le traitement des patients.
Plusieurs projets de recherche sur la COVID - 19 ont été initiés rapidement dans des domaines variés. Ci-après quelques exemples de projets de recherche développés en 2020 dans différents services du CHL :
Etude DisCoVeRy :
« Etude multicentrique, randomisée, adaptative, de l’efficacité et de la sécurité des traitements des patients adultes hospitalisés pour une infection COVID - 19 ».
- Promoteur : Inserm
- Investigateur coordinateur national : Dr T. Staub ( Service des maladies infectieuses )
- Etude clinique interventionnelle internationale impliquant plusieurs médicaments
Au Luxembourg, deux hôpitaux sont impliqués, le CHL et l’hôpital Kirchberg, avec le support du Centre d'Investigation et d'Epidémiologie Clinique ( CIEC ) du Luxembourg Institute of Health ( LIH ). Le coordinateur national est le Dr Thérèse Staub et la pharmacie du CHL agit en tant que pharmacie centrale. Au CHL, tous les médecins infectiologues et réanimateurs participent en tant qu’investigateurs. Ils ont contribué avec les équipes soignantes des unités des maladies infectieuses ( ex. U20 ), de réanimation ( U33 ) et de pneumologie ( U40 ) ainsi qu'avec les services de support comme la Cellule d'Enseignement Médical et Recherche, la pharmacie et le laboratoire, au succès du déroulement de l'étude.
Cette étude a pour but de comparer différents trai- tements chez les patients hospitalisés suite à une infection grave à la COVID - 19. Initialement, cinq traitements différents étaient proposés : l'hydroxy-chloroquine, le Lopinavir / ritonavir ( un antiviral contre le virus du sida, HIV ), le Lopinavir / ritonavir associé à de l'interféron, le remdesivir ( un antiviral déjà utilisé contre le virus Ebola ), ou un traitement des symptômes avec des corticoïdes et des anti-coagulants pour prévenir les thromboses. Suite aux premiers résultats, les traitements hydroxychlo- roquine, Lopinavir / ritonavir, Lopinavir / ritonavir et interféron ont été interrompus en raison d’une absence de preuve de leur efficacité mais d’autres médicaments pourront être évalués en 2021.
En 2020, au Luxembourg, quinze patients ont été inclus dans l'étude par les services des mala- dies infectieuses ou de réanimation du CHL. Le Luxembourg est le premier pays européen après la France à avoir inclus des patients. D'autres pays européens ont ensuite rejoint l'étude. Les patients étaient suivis pendant leur hospitalisation avec des contrôles biologiques fréquents comportant des dosages de médicaments et la recherche de toxicité. Après leur sortie d’hôpital, les patients étaient suivis pendant 90 jours pour juger de l'efficacité et de la tolérance des traitements. Les résultats de cette étude seront publiés prochainement dans une revue internationale.
Les projets DisCoVeRy et SeroCov - 2 ont bénéficié d’un soutien financier du FEDER ( Fonds Européen de Développement Régional ) dans le cadre de la Convention 2018 - 04 - 026 - 21 entre le CHL et le LIH pour le projet Luxembourg Clinical and Translational Research Centre ( LCTR ).
Etude Sero - Cov - 2 :
« Séroprévalence des anticorps et taux d’infections asymptoma- tiques et symptomatiques à SARS - CoV - 2 du personnel travaillant dans un hôpital public et un institut de recherche selon leur degré d’exposition au SARS - Cov - 2 ».
- Promoteur : CHL
- Investigateurs : Dr E. Calvo ( PI ), Dr V. Arendt ( Service national des maladies infectieuses ) et Dr M. Kohnen ( Laboratoire CHL )
- Etude clinique interventionnelle monocentrique n’impliquant pas de médicament
Sans vaccin disponible lors des premiers mois de la pandémie liée au virus SARS - CoV - 2 et afin de pouvoir évaluer le « risque » potentiel de travailler dans un hôpital, un projet ambitieux a été conçu au début de l’été 2020 : celui d’évaluer le pourcentage du personnel infecté par le coronavirus dans un hôpital de première ligne comme le nôtre.
À cette fin, un dosage des anticorps dirigés contre le coronavirus avec un frottis naso - pharyngé ont été proposés aux participants pour juger à un instant T du degré d’exposition au virus que l’infection soit passée ou présente. La prévalence du personnel infecté a pu être comparée à un groupe contrôle de participants travaillant au sein d’un institut de recherche, ce groupe n’ayant théoriquement pas de risque accru de contagion par rapport à la popula- tion générale.
Le caractère ambitieux de ce projet résidait dans ses objectifs d’inclusions ( 700 au total ) et surtout de sa logistique. Il était nécessaire d’inclure un nombre important de participants, qui puisse être représen- tatif de l’ensemble des professions de notre hôpital, sur une période de temps relativement courte, avant la vaccination qui a débuté fin décembre 2020. Les conditions permettant de faire correctement les prélèvements ont également constitué un défi en ces temps de mobilisation totale du personnel et de distanciation.
Au total, 584 participants CHL et 106 participants LIH ont été inclus et ceci grâce un effort commun de nombreuses entités différentes du CHL, impli- quant les Directions Médicale et des Soins, la Cellule Enseignement Médical et de Recherche, le secré- tariat et l’ensemble du service des maladies infectieuses, le laboratoire, les ressources humaines, des volontaires de la réserve sanitaire, le service infor- matique, la pharmacie et le service technique, etc ... sans oublier le Centre d’Investigation et d’Epidé- miologie Clinique ( CIEC du LIH ) pour l’encodage des données.
Etude Predi-COVID :
« Cohorte Luxembourgeoise de patients positifs au COVID - 19 : une étude de stratification pour prédire la sévérité de l’évolution de la maladie ».
- Promoteur : Luxembourg Institute of Health ( LIH )
- Médecin investigateur : Dr T. Staub ( Service des maladies infectieuses )
- Etude clinique interventionnelle – collecte de données et d’échantillons biologiques
L’étude Predi - COVID, initiée par le LIH, a pour objectif d’identifier les caractéristiques cliniques, épidémiologiques et biologiques associées aux formes graves de la maladie COVID - 19. Cette étude a débuté dans la population générale. Les personnes testées positives pour une infection au SARS - CoV - 2 au Luxembourg étaient contactées pour leur proposer de participer à l’étude. Différents prélèvements étaient réalisés au domicile des patients et un suivi effectué pendant 12 mois. En parallèle, cette étude a également été proposée aux patients hospitalisés afin de les comparer à des patients n’ayant pas nécessité d’hospitalisation et d’identifier des facteurs génétiques, inflammatoires, ou virologiques qui puissent expliquer l’évolution de la maladie vers une forme grave.
NCER - PD ( National Centre of Excellence in Research on Parkinson’s disease ) dans la lutte contre la COVID - 19
Besoins non satisfaits des personnes atteintes de la maladie de Parkinson et de leurs soignants pendant le confinement lié à la COVID - 19.
L'équipe du NCER - PD a rapidement joint ses efforts à ceux de la COVID - 19 Task Force de Research Luxembourg pour aider le Luxembourg dans la lutte contre la COVID - 19. Research Luxembourg est une initiative commune des principaux acteurs de la recherche publique luxembourgeoise [Luxembourg Institute of Health ( LIH) ; Luxembourg Institute of Socio - Economic Research ( LISER ) ; Luxembourg Institute of Science and Technology ( LIST ) ; Laboratoire national de santé ( LNS ) ; Université du Luxembourg ; Fonds National de la Recherche ( FNR ) ], sous la coordination du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, dont le but principal est de promouvoir la coopération scientifique au Luxembourg et de communiquer les activités du secteur dans son ensemble.
Dès que la pandémie a été déclarée au Luxembourg, le NCER - PD a contacté tous les participants atteints de la maladie de Parkinson de sa cohorte. L'équipe a contacté les participants par téléphone pour se renseigner de leur état de santé, s'assurer que quelqu'un leur fournissait de la nourriture et des médicaments et leur proposer un soutien. Les appels étant structurés et standardisés, ils ont abouti à une étude sur les besoins non satisfaits des personnes atteintes de la maladie de Parkinson pendant la pandémie. Les résultats de cette étude permettront aux professionnels de la santé d'étendre leurs services de manière significative, c'est-à-dire de personnaliser leur soutien dans les thèmes identifiés et d'améliorer ainsi les soins de santé des personnes atteintes de la maladie de Parkinson en temps de crise (1).
(1) Hanff A-M, Pauly C, Pauly L, et al. (2021) Unmet Needs of People With Parkinson’s Disease and Their Caregivers During COVID- 19-Related Confinement: An Explorative Secondary Data Analysis. Front Neurol. 11:615172. doi: 10.3389/fneur.2020.615172.
Etude COPARK :
« Impact de la pandémie COVID-19 sur la maladie de Parkinson : évolution clinique et marqueurs neurobiologiques ».
- Promoteur : CHL, LCSB
- Investigateur principal : Pr Dr N. Diederich ( service de neurologie )
- Etude clinique nationale non interventionnelle, collecte de questionnaires.
Pr Diederich, neurologue au CHL, en collaboration avec le Luxembourg Centre for Systems Biomedi- cine ( LCSB ) et l’équipe NCER-PD, ont mis sur pied une étude qui a pour but d’étudier l’impact clinique et biologique du stress induit pendant la pandémie sur la progression de la maladie de Parkinson.
L’ensemble de la population a été exposée à un stress élevé dû aux mesures restrictives nécessaires imposées par la pandémie. L’isolement social, la peur d’être contaminé, l’angoisse d’être isolé à l’hôpital, les témoignages oppressants continus dans les médias ou des proches, sont autant de facteurs qui peuvent induire un stress chronique.
Cette étude vise à déterminer si les patients atteints de la maladie de Parkinson ont développé un stress post traumatique et s’il y a eu une accélération de la progression de la maladie suite à la pandémie.
Dans le cadre de cette étude, 148 personnes atteintes de la maladie de Parkinson, participant déjà à la cohorte Parkinson, ont été invitées à compléter des questionnaires de qualité de vie et de bien-être émotionnel. Les données des questionnaires ainsi que l’analyse d’échantillons de sang recueillis avant et durant la pandémie afin d’identifier la présence de nouveaux biomarqueurs d’inflammation potentiels seront analysés.
Les résultats de cette étude seront présentés au Congrès « Movement disorders » en septembre 2021.
Projet AICovIX :
Diagnostic du COVID - 19 par intelligence artificielle à partir d'imagerie médicale
- Promoteur : LCSB
- Investigateur principal : Pr Dr F. Hertel ( service national de neurochirurgie )
Le projet AICovIX a pour objectif le développement de solutions d'aide au diagnostic par ordinateur pour la COVID - 19. Actuellement, les hôpitaux utilisent des images médicales telles que les rayons X ou le scanner pour évaluer les dommages potentiels aux poumons des patients COVID - 19. L'analyse de ces images à l’aide de solutions d'intelligence artificielle pourrait permettre un meilleur diagnostic et une évaluation plus rapide de la sévérité de la maladie. Ainsi, permettre de contribuer à une meil- leure compréhension des effets de la COVID - 19 et améliorer de manière significative le traitement de la maladie et la répartition des ressources. Ce projet est dirigé par le Dr Andreas Husch ( LCSB ) et financé par le « FNR COVID - 19 fast track scheme ». Il s'agit d'une collaboration entre le service national de neurochirurgie du CHL et le Centre de biomédecine des systèmes du Luxembourg ( Université du Luxembourg).
Durant le projet, l'équipe a participé au « MICCAI COVID-19 Lung CT lesion segmentation challenge » qui comptait plus de 1000 équipes du monde entier. Au cours de ce défi, les doctorants du groupe ont pu se familiariser avec les technologies récentes d'apprentissage profond ( Deep learning : forme poussée d’intelligence artificielle ) ainsi qu'avec les problèmes de biais des données de vie réelle. L'équipe luxembourgeoise a obtenu la 5ème place sur 225 équipes lors de la phase II finale.
Clinique pédiatrique
La Kannerklinik a joué et joue encore un rôle central dans la gestion des infections à la COVID - 19 chez les enfants du Luxembourg. La création d’une unité fermée a permis une prise en charge ciblée et des soins spécifiques pour les enfants les plus malades. Entre mars 2020 et mai 2021, 76 enfants atteints d’une infection aigue au SARS - CoV - 2 ont été hospitalisés à la Kannerklinik, dont 5 enfants avec une prise en charge en soins intensifs pédiatriques.
En parallèle de son activité clinique, la Kannerklinik a mis en avant ses missions en santé publique et recherche clinique afin de contribuer au mieux dans la gestion nationale et internationale de la pandémie. Les Drs Biver et de la Fuente, membres du Conseil Supérieur de Maladies Infectieuses du Ministère de la Santé ( Dr de la Fuente en tant que vice - présidente ), ont contribué à l’élaboration de plusieurs recommandations et publications en termes de mesures sanitaires et plus récemment des vaccina- tions autour de la COVID - 19 au Luxembourg.
L’équipe de la Kannerklinik a été parmi les premières à décrire et publier dans la littérature médicale internationale les complications graves de la COVID - 19 chez l’enfant, comme l’atteinte myocardique post infection au SARS - CoV - 2. ( 2 )
En ce qui concerne les projets de recherche, des projets nationaux et internationaux ont été initiés afin de mieux suivre et comprendre pourquoi des personnes de la même famille peuvent avoir des symptômes de la COVID - 19 tellement différents. Pourquoi la maladie évolue différemment chez l’en- fant et chez l’adulte constitue une autre question de l’équipe de la Kannerklinik.
(2) Oberweis ML, Codreanu A, Boehm W., Olivier D, Pierron C, Tsobo C., Kohnen M., Abdelrahman T, Nguyen N, Wagner K, de la Fuente Garcia I. Pediatric Life-Threatening Coronavirus Disease 2019 With Myocarditis. Pediatr Infect Dis J 2020 Jul ; 39( 7 ) :e147 - e149.
Etude Predi-COVID enfant :
« Cohorte Luxembourgeoise de patients positifs au COVID - 19 : une étude de stratification pour prédire la sévérité de l’évolution de la maladie » - extension de l’étude chez les enfants.
- Promoteur : Luxembourg Institute of Health ( LIH )
- Médecins investigateurs : Dr I. De la Fuente, Dr C. de Beaufort
- Etude clinique interventionnelle – collecte de données et d’échantillons biologiques
Cette étude a été mise en place au CHL en colla- boration avec les Drs de la Fuente et de Beaufort. Comme les caractéristiques cliniques et les symptômes de la COVID - 19 chez les enfants peuvent considérablement différer de ceux observés chez les adultes, il est nécessaire de déterminer les principaux facteurs de risque associés aux cas de maladie grave chez les enfants, qu'ils relèvent de l'immunité ou de causes environnementales. L'objectif de l'extension pédiatrique de Predi - COVID est donc d'identifier ces facteurs et de définir les caractéristiques cliniques, biologiques et microbiologiques du COVID - 19 chez les jeunes patients. Le recrutement est en cours jusqu’à fin de l’été 2021.
Etude CLEAR :
« L'infection par le SARS - CoV - 2 chez les enfants au Luxembourg - une étude nationale rétrospective ».
- Promoteur : CHL
- Investigateurs principaux : Dr Carine de Beaufort, Dr Isabel de la Fuente
- Partenaires : Ministère de la Santé, Division de l’Inspection Sanitaire ( Dr Masi ) ; Laboratoire National de Santé ( LNS ) ( Dr Abdelrahman )
- Etude observationnelle rétrospective nationale chez les enfants âgés de 0 à 15 ans
CLEAR est une étude nationale, rétrospective, coordonnée par le CHL dont l’objectif est de mieux comprendre l'infection au SARS - CoV - 2 chez les enfants âgés de 0 à 15 ans. Dans ce but, les données cliniques ( type de symptômes, sévérité de l'infec- tion, source d'infection, comorbidités préalables à l'infection ) sont recueillies a posteriori et en paral- lèle le séquençage complet du virus responsable de l’infection est réalisé. Cette analyse des données cliniques et virologiques permettra non seulement de mieux caractériser l'infection chez les enfants, mais également d'avoir pour la première fois une image détaillée des infections au SARS - CoV - 2 des enfants au Luxembourg. Par ailleurs, elle permettra d'identifier les facteurs de risque d’une infection sévère nécessitant une hospitalisation ( âge, comor- bidités, type de virus ).
Les familles ayant un enfant ( âgé de 0 à 15 ans ) atteint d’une infection au SARS - CoV - 2 ont été invitées par courrier de l'Inspection Sanitaire à participer à l’étude : ceci représente environ 3600 enfants. D’autre part, une invitation a été faite dans la presse et les réseaux sociaux pour informer les médecins pédiatres du pays. À ce jour, près de 500 enfants / famille ont donné leur accord pour leur participation.
La mise en œuvre de l’étude a été réalisée par le service de Pédiatrie Générale, incluant le service de Diabétologie Endocrinologie Pédiatrique et avec le support de la Cellule d’Enseignement Médical et de Recherche.