Une organisation des soins centrés sur une culture de sécurité optimale et assumée au CHL

Une organisation des soins centrés sur une culture de sécurité optimale et assumée au CHL

Interview de Mme Daniela COLLAS, Directrice des soins du CHL.

Mme Daniela COLLAS est la Directrice des soins du CHL depuis le mois de juillet 2021. Auparavant, elle a occupé le poste de Soignant Directeur du Pôle Patient critique.
Titulaire d’un graduat d’infirmier spécialisé en soins intensifs et d’aide médicale urgente, d’un diplôme d’état d’infirmier en anesthésie et réanimation, d’un master en Santé Publique, et de certificats universitaires en coaching santé et simulation en santé, Daniela Collas est impliquée depuis plusieurs années dans le développement de la culture de sécurité au CHL et la mise en place de nombreux projets dédiés. Elle a fait de ce sujet une priorité afin de garantir une qualité de prise en charge du patient.

Cet interview s’inscrit dans la mise en place du projet ERASMUS + e-safe dont l’objectif principal est de développer une plateforme de formations numériques afin d’améliorer la gestion de la qualité et de la sécurité des soins en formation initiale et continue ...et revient sur les points clés de la vision et de la politique de la direction des soins au CHL concernant la culture de sécurité.


« Quelle est votre vision de la qualité et de la sécurité des soins au sein de l’organisation de la Direction des soins au CHL ? »

D. COLLAS 

« La qualité et la sécurité des soins occupent une place évidente et majeure au sein de la politique de soins du CHL. Elles constituent la mission première de notre établissement hospitalier en proposant une prise en charge sécurisée et une satisfaction optimale au patient.

Notre accréditation JCI (Joint Commission International) confirme notre stratégie et notre orientation. Néanmoins, il est important de vivre ces concepts et de faire en sorte qu’ils soient connus, compris et appliqués par tous dans notre hôpital.

En tant que Directrice des soins, nommée depuis quelques mois, je considère qu’il est nécessaire de passer à la vitesse supérieure en analysant nos pratiques, en les questionnant et en les améliorant. L’analyse approfondie des déclarations d’incidents, le débriefing avec les collaborateurs présents lors de l’événement, l’implication du management et la mise en place de formations utilisant la pédagogie par simulation en santé sont une priorité pour la direction des soins.

Ce n’est qu’à cette condition que nous développement une réelle culture de sécurité. »


« Comment la culture de sécurité, priorité de votre politique, est-elle développé au sein de votre établissement ? »

D. COLLAS :

« La culture de sécurité doit, avant tout, être juste et partagée par la direction et par le professionnel de terrain. Même si la direction définit et accompagne cette culture, il est important que le soignant soit impliqué dans le processus.

Il faut lui permettre de se questionner sur sa pratique, de l’analyser et de comprendre pourquoi il a été amené à agir ainsi pour l’améliorer. Il n’y a que comme cela qu’il appréhendera au mieux la culture de sécurité des soins.

Au CHL, cette implication du professionnel de santé dans le développement de la culture de sécurité est multiple :

  • dans son poste et la liste de ses tâches,
  • dans sa posture professionnelle,
  • dans la définition des protocoles et leur mise en œuvre,
  • dans sa formation continue,
  • dans la communication quotidienne qu’elle soit stratégique ou opérationnelle,
  • dans la mise en place d’audits par des équipes tracers ou des évaluations des pratiques professionnelles.

Cette liste n’est, bien entendu, pas exhaustive mais démontre l’ampleur des actions de terrain menées au sein de notre organisation.

Pour illustrer cette liste, nous avons mis en place plusieurs projets au sein de l’institution et de ses unités.

Par exemple :

  • La tenue chaque année d’une Semaine sécurité.
  • Un Plan de formation obligatoire sur les vigilances.
  • Une formation des nouveaux collaborateurs soignants dès la prise de fonction.
  • Une campagne de sensibilisation à la déclaration
  • La clôture de dossier
  • Les Débriefings post incidents avec la mise en place de plans d’actions reprenant des méthodes pédagogiques innovantes ... »

« Quelle place occupe la déclaration des incidents dans votre politique de soins ?

D. COLLAS :

« Pour moi, la déclaration des incidents ou des évènements indésirables fait partie intégrante de notre culture de sécurité. Elle contribue à la responsabilisation de chaque professionnel de santé dans la prise en charge du patient et favorise l’apprentissage de cette culture.
La sensibilisation à la déclaration des incidents est quotidienne. Le sujet est abordé lors des réunions de services, lors des transmissions et des clôtures de dossier réalisées chaque jour. La communication dans l’équipe est très importante et favorise la démarche.
Un programme d’information et de formation est mis en place pour outiller les soignants et les inciter à déclarer. Dans ce programme, l’accent est mis sur la déculpabilisation du professionnel et sur la gestion des l’erreur (voire de l’échec). La formation par simulation prend toute sa valeur pour traiter ces deux thèmes. »


« Pourquoi développer la pédagogie par simulation pour prévenir des erreurs ? »

D. COLLAS :

« Ces dernières décennies, la simulation a pris une place de plus en plus importante dans l’enseignement médical et d’autres soignants (briefing de la séance de simulation et par après sur le scénario – scénario et observation – Debriefing – Conclusion de la séance de simulation).
Je pense que le debriefing mérite une attention particulière, car il s’agit d’un moment très spécial partagé par le facilitateur et des apprenants. Cet échange verbal requiert des connaissances en communication, en gestion de réactions psychologiques, et une compréhension des situations cliniques et de leur gestion (Evidence Based Nursing), et des talents particuliers pour diriger un « bon » debriefing lié à différents facteurs propres à la personnalité de l’instructeur en simulation.

La littérature et nos expériences du terrain nous montrent que les déficits de performance observés, les compétences non techniques ont une importance majeure. Les facteurs humains et les principes de Crisis Resource Management ou CRM (gestion d’une situation de crise en équipe) sont des points de discussions apparaissant dans toutes les simulations.

Les aspects des facteurs humains qui sont souvent discutés pendant les debriefings traitent les interactions de chaque participant avec les éléments suivants : procédures médico-techniques, recommandations, protocoles, matériel, l’environnement, le patient, les membres de l’équipe et les proches. Ces derniers points mènent souvent à des erreurs, avérées ou latentes, potentielles (Near misses) et par conséquent, elles constituent un risque pour la sécurité du patient, ce qui débouche généralement sur des formations aux principes CRM.

Les principes de CRM sont des aspects particulièrement importants à souligner, car il est prouvé que l’acquisition de telles connaissances par la simulation permet d’améliorer leur application dans la prise en charge des patients. Des points CRM peuvent être soulevés à ce que n’importe qui soit obligé de se questionner sur sa propre attitude, interaction et contribution aux efforts de l’équipe.

Au sein de notre établissement, nous développons les simulations in situ, ainsi que des scénarii plus poussés avec le Centre de simulation DeWidong. Nous combinons ces actions avec des formations e- learning afin de proposer des pédagogies dynamiques, centrées sur les pratiques et interactives. »